La délicate distinction de la contrefaçon et du faux artistique


La validité de la saisie-contrefaçon n'est pas subordonnée à la preuve du caractère contrefaisant de l'œuvre saisie.
TGI Paris, 12 janv. 2013, 10/00800, Comité Marc Chagall et al. c/ von Preysing et al.

L’acquéreur d’une toile attribuée à Chagall sollicite l’avis du comité Chagall quant à son authenticité, lequel estime qu’il s’agit d’un faux et réclame la remise du tableau en vue de sa destruction. Devant le refus du propriétaire d’obtempérer, le comité fait procéder à une saisie-contrefaçon.

L’acheteur invoque la nullité de la saisie-contrefaçon en faisant valoir que les demandeurs ne prétendent pas que le tableau litigieux reproduirait une toile originale de Chagall, mais seulement qu’il s’agit d’un faux. Le moyen est rejeté au motif que les demandeurs se seraient bien placés, dans leur requête, sur le terrain de la contrefaçon.

S’agissant d’une question de fond, le caractère effectivement contrefaisant du tableau n’aurait aucune conséquence sur la validité de la saisie diligentée. L’argument est théoriquement imparable, d’autant qu’il s’agissait en l’espèce d’une saisie-contrefaçon sur requête du commissaire de police, mais provoque néanmoins une certaine gêne : il suffirait d’invoquer une prétendue contrefaçon pour justifier la saisie sur le fondement de l’article L. 332-1, al. 1er du CPI, alors même que le faux ne serait en rien contrefaisant puisqu’il n’imiterait que le style de l’artiste sans reprendre aucun élément original d’une œuvre déterminée.

La toile incriminée pouvait sans doute être appréhendée à la fois en tant que faux artistique, s’agissant d’un tableau portant la signature de Chagall qui n’était pas de la main du peintre, et en tant que contrefaçon puisqu’elle reproduisait, selon les demandeurs, certains éléments iconographiques d’un célèbre tableau de l’artiste.

Mais l’action pour faux artistique, de nature pénale, ne peut être intentée qu’à l’encontre du faussaire ou de professionnels du marché de l’art. La destruction d’un faux ne peut en aucune façon être exigée, sur le fondement de la loi de 1895, entre les mains d’un acquéreur non professionnel. C’est donc seulement sur le terrain de la contrefaçon que les demandeurs pouvaient agir et l’on peut regretter que le tribunal ne se prononce pas sur ce point. Par ailleurs, l’acquéreur de la toile incriminée ne l’ayant ni reproduite ni communiquée au public, on ne voit pas très bien quelle pouvait être « la responsabilité éventuelle du propriétaire de cette œuvre contestée » à laquelle il est fait allusion.